Enfin ce serait oui...
Ce n'est qu'un souffle encore et un sourire
quand nous le nommons, que nos mains le prennent,
nous nous sentons soudain si maladroits.
Il vient de naître, il a toute confiance
en ceux qui s'approchent, qui se penchent : à sa venue
nous n'avons pas épanoui le monde.
Avec la vie nous n'avons pas donné
la parole de vie : le mot, le seul
qu'il conviendrait de dire, se refuse à trouer la gorge.
Chaque enfant nous invite, dès qu'il respire,
comme sur une plage où les vents jubilent sans réserve,
à l'écouter entre ses lèvres.
Décharger l'espace, l'air y serait libre,
libre aussi bien de se transformer en lumière,
nous l'apprendrons de lui en prononçant
la syllabe frêle, chaleureuse, enfin ce serait oui.
Poésie sur Parole (France Culture, le 30 mars 2008)
Offrir et ne jamais finir
... offrir sur la vitre
la première buée. Tu rêverais
uniquement d'être ici en avril,
tu n'esquisserais que les initiales
des prénoms que tu aimes, et toujours
ce serait, venant vers toi,
le vent pur, les nuages, l'écume...
... offrir un peu d'eau
qui croupit au bas des trottoirs.
A peine entre les mains
tu ne dirais plus qu'elle est sale,
tu t'en laverais le visage,
tu écouterais à l'instant
ce bruit de source où le ciel se découvre...
... offrir un papier
froissé, jeté. L'origine perdue, les lettres
devenues grises, l'encre et la pluie
mélangées à la terre, chaque ligne,
chaque tache, tu les déchiffrerais,
tu les rendrais arborescentes,
tu en ferais le début d'un poème...
... offrir une graine
tombée de l'érable, écrasée.
Tu la tiendrais au bout des doigts,
il te viendrait un souffle
déjà pour disjoindre tes lèvres
en épelant le mot « samare »
et partir, partir très loin avec elle...
... offrir un fragment
d'écorce, quel que soit l'arbre,
mais de préférence un bouleau,
la plus fragile. Sans cesse,
en le pressant, tu ranimerais le regard,
tu sentirais en plein essor
le tronc clair qui frémit...
... offrir un caillou
que tu ne prends que pour le reposer
dans le lit du torrent. Tu saurais bien
quelle est ta place à genoux sur la rive,
la sienne aussi entre tant d'autres
au milieu des remous, toi silencieux,
lui lumineux ensemble...
…offrir dans le sable
ces empreintes d'oiseaux
que la brise interprète en effaçant.
Tu ne pèserais plus,
sans savoir où, te saisirait
le claquement d'une aile,
tu ruissellerais sous la vague...
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